Dans les années 30-50, Kienné de Mongeot
invente la gymnité belle et vraie,
qui convainc le beau monde.
L´ancien soldat assume l´héritage grec, qu´il
adapte au souci d´hygiène et beauté de la bourgeoisie parisienne et d´Alger.
Soucieux de respecter les bonnes mœurs, autant
que de répandre son idéal du sain et du beau, l´audacieux novateur s´abstient
pourtant d´anticléricalisme. Il reste prudent avec la mouvance anarchiste qui le soutient, et les
communistes du FKK germanique.
L´érotisme du nu est loin d´être ignoré, mais Mongeot affirme que la franche dénudation éloigne du libertinage. La gymnosophie libère le corps et apaise l´âme en évitant l´écueil de
l´impérieux appel de la chair. Le caché, le galant déshabillé, l´interdit bigot ne fait en effet qu´exciter
les désirs malsains.
La doctrine du patron sera payante pour le
mouvement nudiste, puisque jamais, — au temps heureusement révolu des Ligues de Vertu, les bigots, les
cagots encapuchonnés, les cafards pue-la-pisse n´ont pu faire passer sa gentilhommière
pour un bouclard de cul au vert.
Grimpeuse
- 0h ! monsieur, voulez- vous me faire la
courte échelle afin que je puisse attraper cette branche pour grimper
dans l'arbre où mon ballon est resté accroché ?
- Volontiers, mademoiselle.
Il s'accote au tronc de l'arbre, croise les
mains dans lesquelles prestement la jeune fille place un pied, elle lève
l'autre qu'elle pose sur son épaule...
Vision céleste ou infernale ?
Entre deux magnifiques cuisses, au milieu
d'une noire toison apparaît une fente rose ... Mais déjà la leste et
vigoureuse sportive, après avoir fait un rétablissement, était dans l'arbre.
Ce spectacle anatomique fut un
éblouissement pour l'abbé. Il lui sembla·que son cœur se vidait. Un afflux de sang
embua son cerveau ; un voile passa devant ses yeux. Il chancela une seconde.
- Je n'ai plus besoin de vous. Merci mille
fois, monsieur, cria l'agile grimpeuse.
Ces paroles frappèrent ses tympans, lui
semblant venir d'un autre monde ...
- Vous avez failli tomber, monsieur, dit en
riant l'une des deux autres jeunes filles.
- Oui ... mademoiselle ... J'ai perdu
l'équilibre.
Et le brave abbé reprit son chemin, anéanti
d'étonnement, ne comprenant pas la passivité de sa chair et que le diable n'ait
pas eu l'envie d'entrer dans l'enfer. - (p. 34)
<> La caution
naturiste : le nudisme de bon aloi autorise l´érotisme gentiment gaillard.
L´Apologie gymnosophiste anéantit le péché. Des revues de charme, des bars, des boîtes, des lieux discrets se revendiquent naturistes. Il ne manque plus qu´un goupillon sacré, et un tapis de prière naturiste pour que tout le monde soit content.
◊ Ascension nudiste
à Solutré. «On pose chez
les penseurs comme un axiome que la nudité totale est chaste et que dans les camps nudistes le désir
s’éteint avec l’habitude de la vue des corps nus. Nous n’étions pas si
sûrs que ça que Lily et Suzy ne fussent pas adorables et tout à fait désirables
sous le simple prétexte qu’elles étaient toutes nues… » - (Revue Pigalle, 1950)
◊ Cnide et Praxitèle, les garçons et les filles de Sparte et
d’Athènes revivent à Sarcelles.
La fille aux haricots
Marchant
la tête basse, lourde de réflexion, l'abbé Chantréaux
ne
s'aperçut pas
qu'il
avait délaissé la grande allée pour s'engager
dans un étroit
sentier qui
le menait au potager du château. Quand il releva
la tête, surpris par
la lumière, il se trouvait auprès d'un
plant de haricots. Il allait rebrousser
chemin,
quand il entendit une jeune et fraîche
voix lui dire : « Bonjour, monsieur. »
Tout d'abord l'abbé ne vit personne. Il se demandait d'au
pouvait
bien venir cette voix, quand il aperçut, accroupie au milieu des rames,
une ravissante
adolescente nue, occupée à remplir un vaste panier de vertes
cosses bien
gonflées.
Rien de plus charmant que le spectacle qu'offrait la
vue de cette enfant, car cette
jeune fille était encore une enfant. Imaginez-vous
une jolie
figure, que Greuze
eût aimé peindre, ou le rose des
joues était
atténué par la patine
due au soleil, dans laquelle brillaient des yeux
bleus clairs et des dents éclatantes entourées de lèvres charnues, mais parfaitement
dessinées et qu'un franc
sourire
ne déformait pas. Un corps dont la gracilité tendait
à disparaître sous la poussée
du développement de la puberté, comme le bourgeon
printanier se
gonfle pour devenir fleur. Les seins naissants étaient couronnés d'un petit disque mauve
et
entre les cuisses, légèrement entrouvertes, apparaissait un sexe mignon
couronné d'un étroit triangle tissé d'or.
Dans ce petit être émergeant au milieu de la verdure, il y avait comme un monument de
sensualité et d´innocence protégée
par la beauté.
L´abbé
contemplait l'enfant. Il songeait à l'Immaculée Conception ! — (p. 43)
Références
Bossuet, Traité du libre-arbitre
et de la concupiscence, éd. 1731.
Catéchisme de l´Église catholique: Catéchisme romain, 1563. Édition définitive, 1998.
Octave Mirbeau, L´Abbé Jules, 1888.
Émile Zola, La Faute de l´abbé Mouret,
1875.
Nudisme et sexualité :
↑Jean Da Silva, Photographie et
modèles : le nu et ses histoires, 2023.
↑ Bernard
Andrieu, La nudité intégrale : L’érotisme pudique chez Kienné
de Mongeot 1914-1950, dans Bruno Py, La pudeur : Naturisme, exhibitionnisme, voyeurisme,
2024.
↑ Marcel Kienné de Mongeot (1897-1977) : L´Abbé chez les nudistes, 1947.
>> impudicité érotisme (Art et littérature) continence
<> 24/01/2024