◊ En 1957 ou 1958, Krishnamurti est venu comme d'habitude à Bénarès pour l'hiver. Cette année, ayant probablement besoin de repos, il vit en demi-réclusion et ne donne même pas d'entrevues privées. L'école de RAJGAT est à l'autre bout de Bénarès, à l'extrême nord, tout près du fleuve.
Krishnamurti ne sort de sa chambre que vers cinq heures du soir pour une promenade dans le jardin de l'école. C'est le seul moment où les visiteurs peuvent le voir.
Après avoir quelque peu erré dans le vaste parc de l'école, nous finissons par découvrir la maison où loge le maître.
La maison semble déserte. Pas de traces de visiteurs ni sur la véranda, ni dans le parc. Nous n'avions pas réalisé que par ce temps, Krishnamurti ne ferait pas sa promenade habituelle et qu'il n'y aurait pas de darshan [1] ce jour-là.
Puis, un peu plus tard, le secrétaire revient et nous dit que Krishnamurti nous invite à venir le voir dans sa chambre au premier étage. Cette marque de délicatesse du grand maître me touche profondément. Le secrétaire nous guide jusqu'à la chambre du maître au premier étage. Krishnamurti nous reçoit avec une simplicité et une cordialité qui me va droit au cœur, et m'étonne car je gardais en mémoire le visage d'un Krishnamurti impersonnel et distant, presque froid, tel que je l'avais vu à la B.H.V [Université de Vanarasi/Bénarès]. Ici, sa cordialité semble si simple, si spontanée comme si nous avions été des amis de longue date. En Inde, la coutume veut qu'on fasse une offrande à un grand sage quand on va lui rendre visite, ne serait-ce que quelques heures. On nous avait dit que Krishnamurti n'acceptait aucune offrande et qu'il était opposé à cette pratique comme il l'est d'ailleurs à beaucoup d'autres coutumes de la tradition orthodoxe.
J´avais pourtant cueilli quelques roses dans notre ashram, dans l'intention de les offrir au maître.
Il reçoit les fleurs dans les deux mains. Il a l'attitude et l'expression d'un homme qui reçoit une marque précieuse d'amitié. Quelques pétales sont tombés à terre. Krishnamurti s'accroupit sur le sol et ramasse un à un tous les pétales comme pour signifier qu'il ne veut rien perdre de ce don précieux. Cet aspect inattendu du maître m'attendrit profondément.
Il s'assied sur une natte, à même le sol comme c'est la coutume en Inde et nous nous installons en face de lui. Nous sommes venus pour le Darshan et non pour le fatiguer avec des questions, d'autant plus qu'il ne fait pas de conférence à cette période et vit en ermite. L'importuner avec nos doutes philosophiques serait de très mauvais goût. D'ailleurs, le silence d'un grand sage n'est-il pas le meilleur des discours ?
Nous échangeons à peine quelques mots avec le maître. Puis le silence. Je.ne saurais dire comment cela s'est produit, mes paupières tombent et j'entre en méditation. Mes compagnons en font de même d'après ce que j’apprendrai plus tard. Sauf le brahmachari, qui garde ses yeux ouverts pour « observer le spectacle » me dira-t-il. Je ne saurais dire combien de temps dura cette méditation. Vingt minutes peut-être, d'après les dires du Brahmachari. Ce sera pour moi l'occasion d'une curieuse expérience ... — Vijayananda, Sur la trace des Yogis, 1963.
- Les jeunes gens n'ont pas besoin de maîtres à penser, mais de maîtres à se conduire. — Montherlant, Carnets.
- Éternellement la science des maîtres passera dans le cœur des disciples, dans un grand silence attentif, comme cette huile rousse de mes collines qui coule du pressoir dans la jarre par un long fil d'or immobile, sans faire de bulles, sans faire de bruit. — (Marcel Pagnol)
↑ Source : Auteur : Swami Vijayananda (Abraham Jacob Weintrob) 1915 – 2010.
Références
> Montherlant Marcel_Pagnol
<> 18/02/2024
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