L’esprit de Rivarol nuisait à son talent, sa
parole à sa plume. — (Chateaubriand)
Ce qui n'est pas clair n'est pas français.
Celui qui pour aimer ne cherche qu'une
rose, N'est sûrement qu'un papillon.
Ces mots ont dépassé ma pensée... Ils n'ont
pas dû aller bien loin.
C'est sans doute un terrible avantage que
de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser.
Dans chaque ami, il y a la moitié d'un
traître.
Entre l'amitié et l'amour, il y a une
différence énorme : du jour à la nuit.
Étrange bizarrerie de l'esprit humain, on
peut convaincre un homme de ses erreurs, et ne pas le convertir.
Exiger l'homme sans passions, c'est vouloir
régenter la nature.
Il faut attaquer l'opinion avec ses armes :
on ne tire pas des coups de fusil aux idées.
Il faut faire mourir l'orgueil sans le
blesser. Car si on le blesse, il ne meurt pas.
Il faut s'être aimé bien peu pour pouvoir
rester amis quand on ne s'aime plus.
Il y a deux vérités qu'il ne faut jamais
séparer en ce monde : la première est que la souveraineté réside dans le
peuple, la seconde est que le peuple ne doit jamais l'exercer.
Il y a quelque chose de plus haut que
l'orgueil, et de plus noble que la vanité, c'est la modestie, et quelque chose
de plus rare que la modestie, c'est la simplicité.
Je veux bien mourir en vous aimant, mais
non mourir sans vous le dire.
Je veux bien vieillir en vous aimant, mais
non mourir sans vous le dire.
La femme ne se donne qu'à son premier amour
: à tous les autres, elle se reprend !
La grammaire est l'art de lever les
difficultés d'une langue ; mais il ne faut pas que le levier soit plus lourd
que le fardeau.
La grandeur d'un homme est comme sa
réputation : elle vit et respire sur les lèvres d'autrui.
La jeunesse, comme la verdure, pare la
terre ; mais l'éducation la couvre de moissons.
La morale élève un tribunal plus haut et
plus redoutable que celui des lois.
La paresse n'est, dans certains esprits,
que le dégoût de la vie ; dans d'autres, c'en est le mépris.
La parole est la pensée extérieure, et la
pensée est la parole intérieure.
La parole est le vêtement de la pensée, et
l'explication en est l'armure.
La propreté embellit l'opulence et déguise
la misère.
La rapidité est sublime, et la lenteur
majestueuse.
La vanité fait partie du talent : il est comme
une montgolfière qui ne s'élève que lorsqu'elle est gonflée.
L'amitié est la sœur de l'amour, mais pas
du même lit.
L'amour n'a peut-être de raisonnable que sa
folie.
L'amour qui vit dans les orages et croît au
sein des perfidies, ne résiste pas toujours au calme de la fidélité.
L'avare est le pauvre par excellence : c'est
l'homme le plus sûr de n'être pas aimé pour lui-même.
Le langage est la peinture de nos idées.
Le peuple est un souverain qui ne demande
qu'à manger : sa majesté est tranquille, quand elle digère.
La religion unit les hommes dans les mêmes
dogmes, la politique les unit dans les mêmes principes, et la philosophie les
renvoie dans les bois : c'est le dissolvant de la société.
Le temps est comme un fleuve, il ne remonte
pas à sa source.
Le temps est le rivage de l'esprit ; tout
passe devant lui, et nous croyons que c'est lui qui passe.
Les belles images ne blessent que l'envie.
Les grands talents sont, pour l'ordinaire,
plus rivaux qu'amis ; ils croissent et brillent séparés, de peur de se faire
ombrage : les moutons s'attroupent et les lions s'isolent.
Les méthodes sont les habitudes de l'esprit
et les économies de la mémoire.
Les petits esprits triomphent des fautes des
grands génies, comme les hiboux se réjouissent d'une éclipse de soleil.
L'esprit méchant et le cœur bon, voilà la
meilleure espèce d'hommes.
L'homme passe sa vie à raisonner sur le
passé, à se plaindre du présent, à trembler pour l'avenir.
Ne mentez jamais à quelqu'un en qui vous
voulez avoir confiance. A partir du moment où vous lui aurez menti une fois,
vous aurez bien du mal à le croire.
Nos défauts devraient nous donner une
qualité : l'indulgence pour les défauts des autres.
Quand les lois sont obscures, les juges se
trouvent naturellement au-dessus d'elles, en les interprétant comme ils
veulent.
Quand les peuples cessent d'estimer, ils
cessent d'obéir. Règle générale : les nations que les rois assemblent ou
consultent commencent par des vœux et finissent par des volontés.
Sans l'âme, le corps n'aurait pas de
sentiment ; et sans le corps, l'âme n'aurait pas de sensations.
Si la pauvreté fait gémir l'homme, il
bâille dans l'opulence. Quand la fortune nous exempte du travail, la nature
nous accable du temps.
Tout le monde s'agite pour trouver enfin le
repos ; mais il y a des hommes si paresseux qu'ils mettent le but au début.
Toutes les vérités ne sont pas bonnes à
dire ; tous les mensonges sont bons à entendre.
Un démon ? C'est un ange qui a eu des
malheurs ; un ange émigré.
Morale
Il faut pour vivre
des raisons si valables, qu´on n´en ait plus pour mourir.
L´ambition et
l´amour parlent généralement la même langue. Au faîte de la puissance, César
avouait que les requêtes lui chatouillaient
l´oreille. J´ai connu une dame qui disait à son amant :
« Fais-moi (un peu) mal ! ». L´usurpateur profite davantage du
pouvoir que l´héritier légitime.
L´un des prodiges
de la Providence est le bonheur des enfants : si le monde avait du bon, on
devrait plaindre ceux qui sont le moins à même de le comprendre,
La crainte est la
plus terrible des passions, parce qu´elle s´attaque d´abord à la raison :
elle paralyse le cœur et l´esprit.
La distraction
provient soit d´une grande passion, soit de l´insensibilité.
La nécessité, ou le
déterminisme réside dans les choses, et non en nous-mêmes. Un corps doit nécessairement glisser ou tomber, quand
il vient à se trouver sur une pente ; mais l´homme ne doit pas se mettre dans
ce danger.
Les gens dumonde utilisent plus leur loisir que leur temps ; les pauvres n´ont
pas le temps.
Libre est l´homme
qui, même contraint, fait ce qu´il doit faire, — comme un valet sert son maître, pour vivre.
L´esclave au contraire, s´abaisse à des tâches inutiles. On ne fait pas
carrière sans servir les desseins d´un maître.
Pour valoir un tant
soit peu dans ce monde, il faut faire ce qu´on peut, ce qu´on doit et ce qui
convient.
Tout le monde a
envie de se reposer enfin ; mais certains sont si paresseux qu´ils placent
la fin au commencement.
S´emporter contre
un mal inévitable est le signe d´une grande faiblesse. C´est accueillir ce
qu´on peut aisément éviter. Que répondre à celui qui peste contre la météo, et
se répand en imprécations contre le climat ?
L´incroyant se trompe sur le présent ; le croyant sur l´au-delà.
Le judaïsme repose sur l´idée-force que Dieu préfère son peuple à tous les autres.
Cette trouvaille de Moïse réussit à isoler à jamais son peuple de tous les autres, derrière un mur de bronze. Qu´est à dire ? Ce malheureux peuple se voit condamné à un mépris universel. Et, - paradoxe miraculeux, la haine dont il est victime lui garantit une façon d´immortalité. L´amour ou l´indifférence des autres populations aurait vite eu raison du peuple juif ; il eût disparu.
Les mariages, les ravages et les conquêtes eussent fondu les Hébreux dans la masse de leurs voisins ; la haine de l´humanité les a conservés. Grâce à elle, ils sont devenus incontournables.
La plupart de nos athées ne sont que des dévots rebelles.
Rivarol - (Antoine Rivaroli,
dit le comte de ~) (1753 - 1801) écrivain français: Discours sur l'universalité
de la langue française (1784). Il attaqua avec violence la Révolution et s'exila
(1792). Il mourut à Berlin.
Références
↑Encyclopédie_universelle.fr-academic Rivarol
Antoine de Rivarol, Œuvres complètes, « Bouquins », Robert
Laffont, 2016.
1784
De l’Universalité de la langue
française
1790
Petit dictionnaire des grands
hommes de la révolution.
<> 15/11/2023
Bouda l´a dit, et les
sots le répètent.