vendredi 2 août 2024

pédérastie


La pédérastie » (du grec ancien παῖς / paîs, « enfant », et ἐραστής / erastếs, « amant ») est fondée sur la relation particulière et intime d´un homme avec un garçon. C´est une pratique sociale ancrée dans la tradition, et un pilier de la culture grecque en particulier.

La pédérastie est documentée dans de nombreuses cultures : En Grèce et à Rome bien sûr (nombreux témoignages explicites), mais aussi chez les Celtes. Le Japon, la Chine, l´Inde, l'Océanie, les Indiens d´Amérique ou encore l'Italie pendant la Renaissance ne sont pas en reste. À lire Tacite, on a l´impression que les Germains, les Angles et les Teutons ont massivement échappé à ce vice.  

Les législations nationales fixent un âge de majorité sexuelle, variable selon les États mais généralement inférieur à celui de la majorité civile, à partir duquel les relations sexuelles entre adultes et adolescents sont permises, sous certaines conditions. Certains États modernes punissent de mort la pédérastie en jetant les coupables dans le vide après les avoir copieusement fouettés.

Décalage culturel.

On aurait tort de superposer nos mœurs actuelles aux pratiques sexuelles de la société antique, militaire et patriarcale.
Le couple amant/aimé (éraste/éromène) chanté par Homère, Pindare, Théocrite…n´a rien à voir avec Planète Mykonos des Studios Falcon, ni avec Tati, Courses ensemble le samedi à Auchan.
Tous nus au gymnase, les garçons se fortifiaient devant leurs admirateurs, pour se battre unis, contre les ennemis de la patrie.

Il ne faut pas confondre  l´heure du guerrier et le repos des bergers ; Boot-camp de marines, et Week-end à Sitges.

 « La pédérastie est un objet d'opprobre, non seulement pour les vertueux et les saints, mais pour les libertins et les débauchés. Aisément, l'inverti devient le bouc émissaire de la débauche universelle, une sorte d'abcès de fixation par où s'écoule le pus du corps social. » — (André Gide)


Un jeune garçon, beau de corps et noble de naissance, qui ne trouve pas d'éraste [est déshonoré] : on suppose qu'un vice de cœur a seul pu lui attirer cet outrage. Les parastathentès, au contraire (tel est le nom qu'on donne aux enfants qui ont été enlevés), jouissent d'importantes prérogatives : ils ont les places d'honneur dans les chœurs et dans les exercices du stade, et peuvent se distinguer de leurs camarades en portant la robe qui leur a été donnée par leur éraste, conservant même ce droit par-delà l'agélé*, car on les voit, devenus des hommes, porter encore un costume particulier, lequel permet de reconnaître tous ceux qui, dans leur enfance, ont été clines. Cline est le nom qui, chez les Crétois, désigne l'érasme, autrement dit l'objet aimé. Quant à l'éraste, ou amant, ils l'appellent le philétor. Telles sont les lois ou coutumes qui président, en Crète, à la pédérastie. (X, 4 - La Crète) — Strabon, Géographie, trad. Tardieu, 1867.

­*agelè incorporation. τέλειοι γενόμενοι, bons pour le service militaire, à 17 ans.

« Quand les Espagnols se firent maîtres des Îles Occidentales, ils trouvèrent aussi qu’on portait pendu au cou une image de pédérastie d’un pédicon [1] et d’un cynède [2], pour contre-charme, qui était encore plus vilain  Aussi ces peuples-là étaient fondus en sodomies et ordures détestables, et en toutes sortes de sorcelleries, et qui ont tous été exterminés par les Espagnols. Chacun sera d’accord que c’est une invention diabolique. » — Jean Bodin, La Démonomanie des sorciers, 1580.

­↑1- enculeur. 2- cinède, cinaedus : enculé (« Celui qui tortille du cul »).

« Nous refusons de croire que l’amour d’un inverti présente les mêmes caractères que celui d’un hétérosexuel. Le caractère secret, interdit du premier, son aspect de messe noire, l’existence d’une franc-maçonnerie homosexuelle, et cette damnation où l’inverti a conscience d’entraîner avec lui son partenaire : autant de faits qui nous paraissent influencer le sentiment tout entier et jusque dans les détails de son évolution. » — (Jean-Paul Sartre)

« Il ne leur suffisait pas d’être pédérastes... comme tout le monde... ils ont inventé l’homosexualité... Où la science va-t-elle se nicher, mon Dieu ? » — (Octave Mirbeau)

Amour viril.

Les soudards aiment les femmes ; les Celtes, très vaillants guerriers au demeurant,  font exception. [1269b.]

§ 6. Ὥστ' ἀναγκαῖον ἐν τῇ τοιαύτῃ πολιτείᾳ τιμᾶσθαι τὸν πλοῦτον, ἄλλως τε κἂν τύχωσι γυναικοκρατούμενοι, καθάπερ τὰ πολλὰ τῶν στρατιωτικῶν καὶ πολεμικῶν γενῶν, ἔξω Κελτῶν ἢ κἂν εἴ τινες ἕτεροι φανερῶς τετιμήκασι τὴν πρὸς τοὺς ἄρρενας συνουσίαν. Ἔοικε γὰρ ὁ μυθολογήσας πρῶτος οὐκ ἀλόγως συζεῦξαι τὸν Ἄρην πρὸς τὴν Ἀφροδίτην· ἢ γὰρ πρὸς τὴν τῶν ἀρρένων ὁμιλίαν ἢ πρὸς τὴν τῶν γυναικῶν φαίνονται κατοκώχιμοι πάντες οἱ τοιοῦτοι.

§ 6 Les hommes sont portés à se laisser dominer par les femmes, disposition habituelle des races énergiques et guerrières. J'en excepte cependant les Celtes et quelques autres nations qui, dit-on, honorent ouvertement l'amour viril *. C'est une idée bien vraie que celle du mythologiste qui, le premier, imagina l'union de Mars et de Vénus ; car tous les guerriers sont naturellement enclins à l'amour de l'un ou de l'autre sexe. — Aristote, La Politique, LIVRE II, CHAPITRE VI.- trad. Barthélemy Saint-Hilaire, 1874.

­ * amour viril, txt grec : « l´attirance sexuelle pour les mâles, l´amour entre hommes. »

« Les Celtes, bien qu'ils aient des femmes très belles, apprécient de jeunes garçons davantage, de sorte que certains d'entre eux avaient souvent deux amoureux à dormir avec eux sur leurs lits en peau de bête. » — Athénée, cité par Diodore de Sicile.

Dans la culture populaire

Batman et Robin  

L´évolution iconographique de Robin, le jeune acolyte du héros ailé Batman accompagne le passage d’une homosexualité pédérastique pluriséculaire à l’homosexualité androphile contemporaine.

 Pub Budweiser

Jeu de mots sur le nom de la marque de bière et bud  en argot qui désigne un copain de régiment, un pote. Sur la pub, on voit Ganymède prêt à servir un bock à son ravisseur ailé. 

<> Sodomie amérindienne durement réprimée par les conquérants.

Ils s´enfilent en file indienne — (San Antonio)

Un épisode de la campagne que Vasco Nuñez de Balboa mena en 1513 dans la région de l’isthme de Panama est resté célèbre. Le conquistador, dans les forêts tropicales du Darién, doit affronter un cacique dénommé Cuarecua qui le combat avec six cents de ses hommes. Une fois l’ennemi vaincu, l’Espagnol investit le village et trouve là « la maison du cacique souillée par une sensualité abominable. Il blesse le frère du cacique et beaucoup d’autres, parés d’habits de femme ; selon le témoignage des Indiens c’est pour s’adonner à la licence. Il ordonne d’en faire dépecer une quarantaine par les chiens.»  Pierre Martyr d’Anghiera, De orbe novo, [1511] 1587. Cité par Pierre Ragon et T. Denean Sharpley-Whiting, < La vie sexuelle des  sauvages, et la passion exotique des Européens >. Dans Gilles Boëtsch, et alii : Sexualités, identités & corps colonisés, CNRS Éditions, 2019.

Condamnation biblique de l´amour masculin. 

◊ 8 Nous savons que la Loi est bonne, pourvu qu'on en fasse un usage légitime,  
9 et qu'on retienne bien qu'elle n'est pas faite pour le juste, mais pour les méchants et les rebelles, pour les impies et les pécheurs, pour les irréligieux et les profanes, pour ceux qui maltraitent leur père et leur mère, pour les meurtriers,
10 les impudiques, les infâmes*, les voleurs d'hommes, les menteurs, les parjures, et pour quiconque commet tout autre crime contraire à la saine doctrine. —
11 Ainsi l'enseigne l'Évangile de la gloire du Dieu bienheureux, Évangile qui m'a été confié. — Saint Paul, Première Épître à Timothée, Chapitre 1, trad. Crampon, 1923.

­↑* infâmes : « arsenokoites », masculorum concubitores, les hommes qui ont commerce avec les hommes.

La licence grecque est justement abhorrée par nos mœurs.  - (Montaigne)

L´éromène de Berck

<> Gryllus, défenseur des animaux

L'amour des mâles avec les mâles, des femelles avec les femelles, est un goût qui ne s'est pas, jusqu'ici du moins, produit parmi les animaux. Chez vous cette odieuse passion égare les personnages les plus graves et les plus courageux. Sans parler des hommes de rien, Agamemnon parcourut la Béotie en poursuivant comme un chasseur Argynnus qui le fuyait. Il accusait faussement et la mer et les aquilons, puis enfin il se plongeait bravement, le bel amoureux, dans les eaux du lac Copaïs pour y éteindre l'ardeur de son désir et s'y débarrasser de sa flamme. Hercule, pareillement, occupé à courir après un de ses compagnons encore imberbe, abandonna les plus braves de son équipage et fit manquer le but de l'expédition. — Plutarque, Que les bêtes ont l'usage de la raison, tr. Ricard, 1844.

Effets favorables de l'amour des mâles.

Il est bien certain que les Athéniens et les Grecs en général chérissaient plus la beauté de leurs jeunes compatriotes, qu'ils ne détestaient la vénalité de quelques-uns parmi eux.

Bordels de garçons. La manière dont Eschine s’explique, dans son discours contre Timarque, ne nous permet pas de douter que de son temps la corruption ne fût venue à Athènes au point qu'on y vit des maisons de débauche où des jeunes gens s'offraient aux premiers venus , comme le faisaient ailleurs les courtisanes esclaves, pour ne pas parler de ceux qui allaient sans honte passer la nuit dans une maison étrangère , ou même s'y établir comme compagnon inséparable du propriétaire , excès dont nous avons déjà donné des exemples . Mais nous n'avons qu'à citer un seul passage de ce même discours, pour démontrer toute la dépravation des Athéniens, pour dévoiler toute la honte de cette cité d'ailleurs si justement célèbre. - Tome 2 — Petrus van Limburg Brouwer, Histoire de la civilisation morale et religieuse des Grecs, 1838.

Pierre Ier lui-même n’était pas plus exempt que les autres de ce vice. Il était un vrai monstre de luxure, et, quoique laborieux, il s’abandonnait parfois, si l’on peut s’exprimer ainsi, à des accès de fureur amoureuse dans lesquels l’âge et le sexe même lui importaient médiocrement. — François Guillemot de Villebois, Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la cour de Russie : sous les règnes de Pierre-le-Grand et de Catherine Ire, 1853.

Références

Sources :
Anthologie Palatine
Lucien de Samosate
Martial, Èpigrammes,
Platon, Le Banquet,
Platon, Lysis,
Xénophon, Le Banquet. Apologie de Socrate., trad. François Ollier, [1961] 2014.

Ouvrages :
  • Félix Buffière, Éros adolescent : la pédérastie dans la Grèce antique, 1982.
  • Sandra Boehringer et Louis-Georges Tin, Homosexualité. Aimer en Grèce et à Rome, 2010. 
  • Sandra Boehringer et Stefano Caciagli, L’âge des amours. Genre et réciprocité érotique en Grèce archaïque, 2015.
  • Richard Francis Burton: Terminal Essay, The Arabian Nights, Section D: Pederasty, 1885.
  • Claude Calame, L'Éros dans la Grèce antique, 1996.
  • Eva Cantarella, Selon la nature, l'usage et la loi : la bisexualité dans le monde antique, 1988, 1991 pour la trad. française.
  • Nicolas Cartelet, Aux origines de la pédérastie. Petites et grandes histoires homosexuelles de l'Antiquité grecque, 2016.
  • Claude Courouve, Vocabulaire de l'homosexualité masculine, Paris, Payot, 1985
  • Kenneth J. Dover, Homosexualité grecque, 1978.
  • Florence Dupont et Thierry Éloi, L'Érotisme masculin dans la Rome antique, 2001.
  • Robert Flacelière, « La pédérastie dans la Grèce antique », Revue des Études Grecques, vol. 93, no 442,‎ 1980.
  • David M. Halperin, Cent ans d'homosexualité ; et Autres essais sur l'amour grec, 2000.
  • Henri-Irénée Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, tome I « Le monde grec », chapitre III « De la pédérastie comme éducation »,1948.
  • M. H. E. Meier, Päderastie, 1837.
  • Jean-Noël Robert, Éros romain : sexe et morale dans l'ancienne Rome, Paris, Pluriel, 1998.
  • Alain Schnapp, Le Chasseur et la cité : chasse et érotique dans la Grèce ancienne, 1997.
  • Bernard Sergent (préf. Georges Dumézil), Homosexualité et initiation chez les peuples indo-européens, 1996. Réunion en un volume, avec une postface générale, de deux ouvrages parus en 1984 et 1986 : L'Homosexualité dans la mythologie grecque et L'Homosexualité initiatique dans l'Europe ancienne.
 L´éromène de Taormine



 









pédérastie  pédérastie (Larousse, 1898) pédérastie albanaise  pédérastie russe   bardache giton vice luxure

↑ Aristote Bible Bodin Gide Mirbeau Plutarque Sartre Strabon

<> 08/07/2024 

Je l´ai lu dans Wikipédia.

Phraséologie

Phraséologie française. « Mauvaises mœurs. Les moralistes condamnent l´amour mâle au nom de la famille ; ils s´inclinent devant la Loi d...