mardi 17 octobre 2023

Maria de Naglowska

Maria de Naglowska  (1883 – 1936). Occultiste russe mondaine et écrivain ; elle fut célèbre à Paris (Montparnasse) vers 1930. Elle fréquentait les Surréalistes, les cercles ésotériques huppés,  et avait connu Julius Evola à Rome.

Fondatrice de la Confrérie de la Flèche d’Or, elle donnait des conférences, recevait à la Coupole et présidait des soirées tantriques chez de riches particuliers. Elle condensait là et reversait le flux énergétique dégagé par les ébats spirituels des adeptes.

Sa doctrine repose sur ce qu’elle appelle le Troisième Terme de la Trinité, le divin féminin, fusion ultime des contraires : le Père et le Fils, la Lumière et l’Obscurité.

Les cérémonies où Masculin et Féminin se conjuguent, permettent d’aboutir à l’unicité mystique qui réjouit les participants, — candidats à la future Messe d’Or de l’Humanité régénérée, qu’annonce Naglowska. La prêtresse croyait au pouvoir transformateur du sexe.

Biographie

 On sait peu de choses de la vie de Maria de Naglowska.

Châtelaine des cimes

‘ Sur les sommets sauvages du silencieux Caucase, dans les vallées rocheuses de ses chaînes d’où sont venus les races et les peuples dont la mission était et est encore de combattre le mal, j’ai vu l’ombre grandiose du Maître du Passé croiser les bras dans une attitude de torture.

Des serpents mordaient son ventre aplati et une boue gluante montait jusqu’à ses cuisses.

Il fixait son regard sur les roses naissantes de mon jardin et des larmes de glace brûlaient ses paupières.

- Oh ! criait-il d’une voix sépulcrale, oh ! Xénophonta ! L’empire était à moi ! Les eaux sont venues, elles ont noyé mes glèbes et mes jardins aux grappes d’or. Mes troupeaux sont morts dans la débâcle et mes serviteurs sont dispersés. Je n’ai plus rien à t’offrir, je n’ai plus d’or pour t’acheter.

Et ces derniers mots retentissaient dans la nuit sèche des montagnes comme un reproche amer, comme une haine immense.

Je me pris d’amour pour ce cri terrible, j’adorai cette insondable impuissance.

- Qui es-tu ‘ Ô toi qui pleures de la sorte ! dis-je épouvantée.

- Je suis celui dont le nom ne peut être prononcé, car le langage qui le contenait est oublié’ Xénophonta, je ne peux t’acheter et tu ne seras donc pas ma femme.

Le spectre disparut dans un hurlement sauvage des vents, qui s’élevèrent alors comme une rage prolongée de toute la nature. Les roses de mon jardin en tremblèrent jusqu’au matin.

À l’aube, lorsque la tempête se fut apaisée dans le bleu d’acier des premières heures, je montai sur la terrasse pour retrouver celui à qui mon c½ur s’était désormais donné. Les monts étaient les mêmes, leurs lignes altières aussi sévères et rigides qu’auparavant, la neige dormait toujours, à peine bleuie par les réverbérations du ciel, mais dans l’haleine froide des forêts et dans le bruissement cristallin des torrents le Caucase, mon Caucase, n’était plus le même. Ah ! oui ! le Maître du Passé y était. « Les glèbes sont noyées ! » Ce cri était partout, rien ne l’effaçait.

Un désir violent naquit alors dans mon corps, et je me serais fendu les entrailles si mon sang répandu sur la neige avait eu la vertu de fondre les glaces et de faire renaître les pâturages de celui qui pleurait. Mais mon sang n’était qu’une goutte pour cet océan de glace, et que pouvait cette goutte contre tant de malheur !

Le soleil parut soudain. Rouge encore d’un trop long sommeil, son éclat n’aveuglait pas les yeux. Sa face souriait entre deux cimes et il semblait que les rochers en palpitaient de joie.

- Oh ! Soleil ! dis-je, persuadée de la conscience humaine de l’astre, que ne fais-tu fondre cette glace, afin de faire renaître les richesses disparues !

Et, distinctement, j’entendis cette réponse :

- Tu étais son esclave, mais je t’en ai libérée. C’est pour te remettre les menottes qu’il souhaite ses biens. Mais il ne les aura pas. Je te veux libre, femme, toi et tes enfants.

- Qui est-il ‘ demandai-je, et froides étaient mes mains.

- Son nom est oublié et le langage qui, seul, le contenait, ne se retrouvera plus, car j’ai changé la gorge des mortels, afin qu’aucune syllabe de ce mot maudit ne puisse plus pénétrer dans un cerveau humain et y déranger le cours des choses’ Xénophonta, malheur à toi si tu t’attaches à ce défunt.

Le cri strident d’un énorme oiseau de proie coupa alors le verbe du Soleil et j’entendis une chute étrange dans la vallée où brillait maintenant une lumière intense. De rouge le Soleil était devenu presque blanc et mes yeux ne supportaient plus son éclat.

L’oiseau de proie plana en larges spirales au-dessus du château de mes parents. Chose curieuse, il ne m’épouvanta pas. Je sentais en moi une protection, une force dont j’ignorais la provenance. Et, en effet, après quelques tours silencieux, l’oiseau changea d’idée et s’envola ailleurs.

Il y eut alors un sourire radieux dans la nature, et le ciel et les neiges et les roses y participaient.

La rosée était fraîche sur la terrasse, et je sentis un frisson le long de mes jambes. Involontairement, je pliai les genoux, et mes mains se joignirent d’elles-mêmes pour la prière. Mais mes lèvres ne prononcèrent pas les mots habituels. Ce qu’elles dirent fut à peu près ceci :

Seigneur ! Puissance ! Vie !
En cette heure matinale
Écoutez-moi !
Mes roses prient avec moi
Et mon sang vivifie ma prière.
Effacez les larmes de glace
Et étouffez aussi le feu.
Ordonnez que les plaies se referment
Et ordonnez que la joie soit pour tous.
Seigneur, pardonnez, car tout mon corps pardonne.
Pardonnez, ô Puissance éternelle
À celui qui souffre et pleure sans cesse.
Ne maudissez pas ce qui tremble d’effroi,
Entraînez dans votre joie immense
L’ombre du Passé, l’ombre du Premier-Né.
Changez en bien ce qui est mal
Et changez en vertu ce qui est délit.
Répandez partout votre insondable sagesse,
Et pardonnez, ô Puissance, ce que je pardonne.
Car vous êtes la vie et l’ordre et le chant d’allégresse.
Car vous êtes le fleuve et vos eaux emportent tout.
Soyez clémente, ô Trinité harmonieuse !
Pardonnez, pardonnez, pardonnez !
Seigneur ! Puissance ! Vie !
En cette heure matinale

Écoutez-moi !
Mes roses prient avec moi
Et mon sang vivifie ma prière.
Effacez les larmes de glace
Et étouffez aussi le feu.
Ordonnez que les plaies se referment
Et ordonnez que la joie soit pour tous.
Seigneur, pardonnez, car tout mon corps pardonne.
Pardonnez, ô Puissance éternelle
À celui qui souffre et pleure sans cesse.
Ne maudissez pas ce qui tremble d’effroi,
Entraînez dans votre joie immense
L’ombre du Passé, l’ombre du Premier-Né.
Changez en bien ce qui est mal
Et changez en vertu ce qui est délit.

Répandez partout votre insondable sagesse,
Et pardonnez, ô Puissance, ce que je pardonne.
Car vous êtes la vie et l’ordre et le chant d’allégresse.
Car vous êtes le fleuve et vos eaux emportent tout.
Soyez clémente, ô Trinité harmonieuse !
Pardonnez, pardonnez, pardonnez !

J’étais allongée sur les dalles de la terrasse lorsque le dernier mot de cette prière avait clos ma bouche. Un long baiser y brûlait encore.

Maria de Naglowska
Dans le brouillard de la pensée — Maria de Naglowska, Le Rite sacré de l´amour magique, 1932.

BBG

Maria de Naglowska, Traités de magie sexuelle. Les rituels sataniques de la Confrérie de la flèche d'or, 2012.
Maria de Naglowska, La lumière du sexe - Rituel d'initiation satanique selon la doctrine du troisième terme de la trinité ornée de 8 planches symboliques par Lucien Helbé, 2010.
Randolph (Paschal Beverly) : Magia sexualis. Avec une étude sur les miroirs magnétiques. Trad. Maria de Naglowska. Dangles (Horizons ésotériques), 1991
René Thimmy, La magie à Paris, 1934
Sarane Alexandrian, Les Libérateurs de l'amour, Seuil,  1977.
Marc Pluquet, La Sophiale: Maria de Naglowska, sa vie, son œuvre, Ordo templi orientis, 1993.
Julius Evola, Métaphysique du sexe, trad. Philippe Baillet, 2006.
Chiara Minestrone, Des Liaisons sulfureuses. Vera de Petrouchka et le pope Belteuf, 2006.

Maria en grande prêtresse du TTT



 Corrélats

religion rituel tantrisme magie_sexuelle

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<> 28/10/2023

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